2 avril 2013

ACTU : L'AGNU adopte à une large majorité le Traité sur le commerce international des armes classiques

Catherine MAIA

Le Traité sur le commerce des armes a été adopté le 2 avril par l'Assemblée générale des Nations Unies par 154 voix pour, trois contre – République arabe syrienne, République islamique d'Iran et République populaire démocratique de Corée – et 23 abstentions. Cet instrument juridique international sera ouvert à ratifications en juin et entrera en vigueur à la 50ème ratification.

Alors que la Russie, un des acteurs majeurs du marché, a indiqué qu'elle pourrait ne pas le signer, le secrétaire d'Etat américain, John Kerry a déclaré : «Le traité adopté aujourd'hui va (...) contribuer à réduire le risque que les transferts internationaux d'armes conventionnelles servent à perpétrer les pires crimes de la planète». Il s'est également félicité que le texte n'empiète pas sur la Constitution américaine, qui garantit le droit de posséder une arme.

Ce Traité n'avait pu être adopté par consensus lors de la Conférence finale qui s'était achevée le 28 avril dernier. Le Secrétaire général de l'ONU s'était alors déclaré «extrêmement déçu» de cet échec, estimant que «le projet de texte était équilibré et aurait établi des normes communes efficaces pour règlementer le commerce international des armes conventionnelles».

Le 28 avril, immédiatement après la fin de la Conférence, un État Membre avait déposé un projet de résolution auprès de l'Assemblée générale, à laquelle il était demandé de mettre aux voix le texte du Traité.

Le Traité adopté le 2 avril a pour objet d'«instituer les normes communes les plus strictes possibles aux fins de réglementer ou d'améliorer la réglementation du commerce international d'armes classiques». Il a également pour ambition de prévenir et éliminer le commerce illicite de telles armes et d'en empêcher le détournement.

L'objectif est que chaque pays évalue, avant toute transaction, si les armes vendues risquent d'être utilisées pour contourner un embargo international, commettre un génocide ou d'autres violations graves des droits humains, ou si elles peuvent tomber aux mains de terroristes ou de criminels. Dans tous ces cas, le pays exportateur sera tenu de ne pas autoriser la transaction.

Par « armes classiques », le présent Traité désigne les huit catégories suivantes : chars de combat, véhicules blindés de combat, systèmes d'artillerie de gros calibre, avions de combat, hélicoptères de combat, navires de guerre, missiles et lanceurs de missiles, armes légères et armes de petit calibre. Les armements couverts vont ainsi du pistolet aux avions et navires de guerre en passant par les missiles. Toutefois, la liste ne comprend pas les drones, les transports de troupes blindés ou les équipements destinés aux forces de l'ordre.

S'agissant des munitions, chaque État Partie au Traité sera tenu d'instituer et de tenir à jour un «régime de contrôle national pour réglementer l'exportation des munitions tirées, lancées ou délivrées au moyen des armes classiques» mentionnées ci-dessus et d'appliquer les dispositions prévues par le texte avant d'autoriser l'exportation de munitions.

Enfin, par «commerce international», le Traité entend l'exportation, l'importation, le transit, le transbordement et le courtage de ces armes. Il ne s'applique pas au transport international par tout État Partie ou pour son compte d'armes classiques «destinées à son usage, pour autant que ces armes restent sa propriété».

En discussion depuis sept ans, ce texte de 15 pages est le premier traité censé réglementer les ventes d'armes conventionnelles, un marché de 80 milliards de dollars par an. Il s'agit aussi du premier texte majeur sur le désarmement depuis l'adoption du Traité sur l'interdiction des essais nucléaires de 1996.

Sources : ONU / Le Monde



A LIRE :
 


Catherine Othenin-Girard et Céline Zünd, «Un traité historique», Le Temps, 3 avril 2013

L’Assemblée générale de l’ONU a adopté mardi un traité réglementant le commerce international des armes classiques. Entretien avec Andrew Clapham, professeur à l’IHEID à Genève, directeur de l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains, qui a suivi toutes les étapes des négociations.

L’accord historique est scellé: après sept années de négociations et d’atermoiements, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté mardi à la majorité simple un traité réglementant le commerce international des armes conventionnelles. Jeudi dernier, le refus de trois Etats – la Syrie, la Corée du Nord et l’Iran – avait douché les espoirs, précipitant l’échec d’un accord par consensus aux Nations unies. Le texte a finalement été approuvé hier à 154 voix, trois contre (Syrie, Corée du Nord, Iran) et 23 abstentions – dont celle de la Russie. Il interdit aux Etats de transférer des armes vers d’autres pays s’ils savent qu’elles risquent d’être utilisées pour commettre des«violations graves» des droits de l’homme ou de tomber entre les mains de terroristes. C’est la première fois qu’un traité limite le marché des armes classiques, estimé à 80 milliards de dollars par an. Andrew Clapham, professeur à l’IHEID à Genève, directeur de l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains, a suivi toutes les étapes des négociations.

Le Temps: Comment évaluez-vous cet accord?
– Andrew Clapham: C’est un moment historique. Le traité a été adopté à une majorité écrasante et par les principaux Etats exportateurs d’armes. C’est d’autant plus impressionnant que ce texte est plus contraignant que celui qui avait échoué lors d’un précédent vote à l’ONU en juillet 2012.

– En quoi est-il meilleur?
– Il possède une plus large portée car il couvre les crimes de guerre de manière plus explicite et inclut les munitions dans l’interdiction. Il mentionne aussi les risques d’attaques aux civils, comme le demandait le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la Suisse. De plus, une clause permet aux Etats qui le souhaitent de mettre en vigueur directement le texte, sans attendre que 50 Etats l’aient ratifié.

– Quel sera l’effet de ce traité?
– Il oblige les Etats à évaluer attentivement le risque que les armes ou munitions vendues à des tiers ne soient utilisées pour commettre des violations du droit international humanitaire. Il donne des leviers à la société civile pour contrôler le commerce des armes. Ainsi il pourrait avoir pour effet d’en ralentir le trafic.

– Quelles sont ses lacunes?
– La formulation du texte pourrait être plus clair sur le type d’attaques et la liste des crimes de guerre qui doivent faire obstacle. A l’avenir, il serait souhaitable qu’un mécanisme explicite permettant de sanctionner un Etat qui viole le traité soit mis en place. Tel qu’il est, ce texte ne permet pas d’amener un Etat devant la Cour internationale de Justice.

– Quels compromis ont été nécessaires pour arriver à ce texte?
– La principale pierre d’achoppement portait sur l’exportation d’armes à des acteurs non étatiques. Plusieurs Etats, qui ont refusé le texte ou se sont abstenus lors du vote hier, réclamaient une interdiction claire pour annuler toute possibilité d’armer une insurrection. La Syrie était la plus représentative de cette opposition: elle demandait que le traité interdise la livraison d’armes à des groupes non étatiques tout en laissant le champ libre aux gouvernements pour en importer. Or le texte, ambigu sur cette question, reste ouvert à l’interprétation.

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