16 décembre 2017

ACTU : L’Assemblée des États parties déclenche la compétence de la Cour pénale internationale pour le crime d’agression

Catherine MAIA

L'Assemblée des États parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale a tenu sa 16e session du 4 au 14 décembre 2017 au siège de l'Organisation des Nations Unies à New York. À cette occasion, l'Assemblée a réuni les 123 États parties, les États observateurs, les États invités, les organisations internationales et régionales et les représentants de la société civile.

Outre l’élection de 6 nouveaux juges (parmi 12 candidats) pour une période de 9 ans, l’Assemblée a procédé à son débat général, avec une participation au niveau ministériel, et a tenu un segment de la plénière sur la coopération axée sur les sujets essentiels touchant aux enquêtes financières discutées lors de la Conférence de Paris du 20 octobre 2017, et sur la manière d'aborder les principaux défis et possibilités d'une coopération efficace. L'Assemblée a également consacré un segment de la plénière à la commémoration du 20e anniversaire du Statut de Rome qui a porté sur les réalisations du système du Statut de Rome et, entre autres, sur les principaux défis qui devront être relevés pour renforcer le système afin qu'il soit plus efficace, efficient et véritablement mondial.

L'Assemblée a, en outre, adopté six résolutions par consensus : sur l'exercice de la compétence à l'égard du crime d'agression ; sur les amendements à l'article 8 du Statut de Rome, sur les consultations menées en vertu de l'article 97(c) du Statut de Rome, sur la coopération, sur le budget de la Cour pour 2018, et la résolution d'ensemble dite « omnibus ».

La résolution sur les amendements à l'article 8 du Statut de Rome ajoute trois crimes de guerre à la compétence de la Cour : l'usage d'armes qui utilisent des agents microbiens ou autres agents biologiques ou des toxines, d'armes blessant par des éclats qui ne sont pas localisables par rayons X, ou d'armes à laser.

L'Assemblée a adopté le budget programme de la CPI pour 2018, avec des crédits d'un montant de 147 431 500 euros et un effectif de 972 personnes.

Dans la résolution sur le déclenchement de la juridiction de la CPI sur l'agression – crime prévu dès le départ dans le Statut de Rome – l'Assemblée a reconnu la portée historique de la décision consensuelle prise à la Conférence de révision tenue à Kampala en 2010 d'adopter les amendements au Statut de Rome et a décidé de rendre effective la compétence de la Cour à compter du 17 juillet 2018.

34 pays ont ratifié les amendements de 2010 mais il a fallu encore une majorité des deux tiers (82 pays) pour enclencher l’activation du chef d’inculpation de crime d’agression. Cette activation vient ainsi ajouter l’agression aux trois chefs d'inculpation déjà en vigueur, à savoir les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime de génocide.

Plusieurs des États n’ayant pas ratifié les amendements de 2010 - France, Japon, Colombie, Canada, Norvège, Royaume-Uni - acceptent une activation, mais à la condition que leurs ressortissants ne puissent pas être poursuivis, ce qui fait de la compétence de la CPI pour ce crime une compétence « à la carte ».

Cette l'extension de la compétence de la CPI, voulue comme un moyen de dissuader les États d’en agresser un autre, pourrait aussi conduire les dirigeants à réfléchir à deux fois avant d'engager des troupes dans une coalition ou une opération de paix.

Enfin, lors de l'Assemblée des États parties, l'Afrique du Sud a confirmé qu'elle allait entamer une procédure de sortie de la CPI, suivant en cela l'exemple récent du Burundi. L'Afrique du Sud fait l'objet d'une procédure pour non-coopération avec la CPI après avoir reçu en 2015 le président soudanais Omar el-Béchir, recherché par la justice internationale pour génocide et crimes de guerre au Darfour.


Art. 8 bis - Crime d'agression (Statut de Rome de la CPI)

1. Aux fins du présent Statut, on entend par «crime d’agression» la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies.

2. Aux fins du paragraphe 1, on entend par «acte d’agression» l’emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies. Qu’il y ait ou non déclaration de guerre, les actes suivants sont des actes d’agression au regard de la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 14 décembre 1974 :
a) L’invasion ou l’attaque par les forces armées d’un État du territoire d’un autre État ou l’occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque, ou l’annexion par la force de la totalité ou d’une partie du territoire d’un autre État ;
b) Le bombardement par les forces armées d’un État du territoire d’un autre État, ou l’utilisation d’une arme quelconque par un État contre le territoire d’un autre État ;
c) Le blocus des ports ou des côtes d’un État par les forces armées d’un autre État ;
d) L’attaque par les forces armées d’un État des forces terrestres, maritimes ou aériennes, ou des flottes aériennes et maritimes d’un autre État ;
e) L’emploi des forces armées d’un État qui se trouvent dans le territoire d’un autre État avec l’agrément de celui-ci en contravention avec les conditions fixées dans l’accord pertinent, ou la prolongation de la présence de ces forces sur ce territoire après l’échéance de l’accord pertinent ;
f) Le fait pour un État de permettre que son territoire, qu’il a mis à la disposition d’un autre État, serve à la commission par cet autre État d’un acte d’agression contre un État tiers ;
g) L’envoi par un État ou au nom d’un État de bandes, groupes, troupes irrégulières ou mercenaires armés qui exécutent contre un autre État des actes assimilables à ceux de forces armées d’une gravité égale à celle des actes énumérés ci-dessus, ou qui apportent un concours substantiel à de tels actes.



Adoptée à la 13e séance plénière, le 14 décembre 2017, par consensus
ICC-ASP/16/Res.5

Déclenchement de la compétence de la Cour à l’égard du crime d’agression

L’Assemblée des États parties, Reconnaissant la portée historique de la décision consensuelle prise à la Conférence de révision tenue à Kampala d’adopter les amendements au Statut de Rome relatifs au crime d’agression, et rappelant à cet égard la résolution RC/Res.6, Réaffirmant les objectifs et les principes de la Charte des Nations Unies,

Rappelant sa détermination à déclencher la compétence de la Cour pénale internationale (« la Cour ») à l’égard du crime d’agression aussitôt que possible, sous réserve d’une décision prise conformément aux articles 15 bis, paragraphe 3 et 15 ter, paragraphe 3 du Statut de Rome, Notant avec satisfaction le rapport sur la facilitation du déclenchement de la compétence de la Cour à l’égard du crime d’agression, dans lequel se trouvent résumées les positions des États parties, 

Rappelant les articles 15 bis, paragraphe 4 et 121, paragraphe 5, Rappelant par ailleurs que dans le paragraphe 1 de la résolution RC/Res.6, la Conférence de révision a décidé d’adopter, conformément à l’article 5, paragraphe 2, les amendements au Statut relatifs au crime d’agression, qui sont sujets à ratification ou à acceptation et entreront en vigueur conformément à l’article 121, paragraphe 5, et a noté que tout État Partie pouvait déposer une déclaration prévue à l’article 15 bis avant ratification ou acceptation des amendements ;

1. Décide de déclencher la compétence de la Cour à l’égard du crime d’agression à compter du 17 juillet 2018 ;

2. Confirme que, conformément au Statut de Rome, les amendements au Statut relatifs au crime d’agression qui ont été adoptés à la Conférence de révision de Kampala entrent en vigueur à l’égard des États parties qui les ont acceptés un an après le dépôt de leurs instruments de ratification ou d’acceptation, et qu’en cas de renvoi par un État ou d'enquête ouverte proprio motu, la Cour n’exerce pas sa compétence à l’égard d’un crime d’agression s’il a été commis par un ressortissant ou sur le territoire d’un État partie n’ayant pas ratifié ou accepté ces amendements ;

3. Réaffirme les articles 40, paragraphe 1 et 119, paragraphe 1 du Statut de Rome relativement à l’indépendance judiciaire des juges de la Cour ;

4. Réitère son appel adressé aux États parties qui ne l’ont pas encore fait afin qu’ils ratifient ou acceptent les amendements au Statut de Rome relatifs au crime d’agression.


Source : CPI

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